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L'université de Tetovo

Un coup d'œil sur la frontière à la Macédonie et à la Université albanaise de Tetovo

La ville de Tetovo se trouve au nord-ouest du petit pays de la Macédoine qui est devenu indépendant après le débacle de la Yougoslavie - sans guerre. Son nom offiiciel est FYROM (Former Yougoslavian Republic of Macedonia). La Macédoine est une vraie »macédoine« du point de vue de la population: slaves, albanais, romas, turcs, serbes, valachs s'y côtoient. Les albanais constituent sans aucun doute la plus forte minorité et aspirent à être reconnus comme telle. L'idée d'une grande Albanie a peu d'adeptes. Selon les statistiques officielles, ce sont 22,5%, selon des sources albanaises, ce sont jusqu'à 40%. Peu importe.

Le nom albanais de Tetovo est Tetova ou Tetovë (le »ë« signale un e muet - la première forme est la forme définie, la deuxième l'indéfinie; l'albanais qui ne connaît pas d'article met ces précisions dans la terminaison). Tetovo est la capitale de la province du nord-ouest de la Macédoine, la population est à 80% albanophone. Ville commerçante où l'étalage traditionnel des marchandises dans la rue, à n'importe quelle heure, coexiste avec les nouveaux super-marchés à l'occidentale. Selon les quartiers, les rues sont lamentables, les taxis y tournent allègrement (400 pour une population de 50 000 habitants). Il n`y a aucun cinéma, pas de théâtre, juste quelques bars de nuit et quelques petites librairies très mal fournies.

Les jeunes de la région qui voulaient faire des études se rendaient traditionnellement à Prishtina (Kosovo). L'université en langue albanaise y était fermée depuis 1989 le choix était limité. L'université de Skopje, en langue macédonienne, accueille les étudiants de la région à condition qu'ils parlent la langue officielle. Celle de Tirana, accessible depuis 1991/92 est peu fréquentée par les albanophones de Macédoine: Le trajet est difficile, les conditions d'enseignement peu alléchantes. L'idée de créer une université en langue albanaise à Tetovo était donc bien accueillie par la population qui met ses bâtiments gratuitement à disposition. Beaucoup de ces maisons se trouvent autour du rectorat, d'autres (la faculté des lettres) dans le haut de la ville qui est située dans la vallée du Polog, dominée par le Popovachapka (»le bonnet du pope«, région skiable). L'actuel recteur et initiateur du projet a eu beaucoup de difficultés politiques à vaincre et a même passé quelques mois en prison. Le climat politique semble plus détendu maintenant; le 18 février, on a inauguré un »vrai« bâtiment universitaire dans un banlieu. L'article de la »Bota sot« du 19 février n'indiquait cependant pas ni quelles facultés ni combien d'étudiants pouvaient y emménager pour le nouveau semestre.

Les premiers étudiants officiels sont arrivés en 1994. En 1996/97, ils étaient plus de 2500, et le chiffre va en augmentant. Les statistiques sont une chose, la réalité est une autre. Certains des jeunes trouvent un refuge à l'université. Il vaut donc mieux être étudiant que chômeur dans un pays qui souffre cruellement du chômage; on quitte l'université dès qu'on a trouvé un boulot. Il est encore trop tôt à savoir combien d'étudiants terminent réellement leurs études et quelles sont leurs chances sur le marché du travail.

C'est un peu par hasard que j'ai connu cette université: des amis savaient que l'université avait un besoin urgent concernant des enseignants d'allemand et m'ont présentée aux responsables qui m'ont accueillies les bras ouverts. Depuis 1996, j'y enseigne deux semaines par semestre si possible. L'accueil est vraiment très chaleureux de tous les côtés ; ainsi tel ou tel chauffeur de taxi m'a conduite gratuitement en apprenant ce que je faisais chez eux, . Je n'ai pas encore réussi à inviter un seul étudiant - eux me paient mon café - question d'honneur. Dans la caféteria je ne vais jamais me trouver seule - on doit à l'invitée, à l'étrangère de lui tenir compagnie, on me raccompagne en voiture si possible. Il y a aussi un certain nombre d'étudiantes, des jeunes femmes qui ont souvent vécu quelque temps à l'étranger. Le foulard est porté par des femmes mariées surtout à la campagne, et pas par toutes. Les jeunes filles en jeans en revanche s'intègrent parfaitement dans cette ville qui est à la croisée de l'Occident et de l'Orient.

Je ne peux pas parler de la situation en général mais seulement de celle de la faculté des lettres. D'autres fait m'ont été rapporté par des personnes dignes de foi. Ainsi, on a fait débuter une faculté de pharmacologie, mais e il manque un laboratoire. Ainsi tout doit être enseigné d'une manière théorique. Tant pis. L'essentiel est de montrer que la section existe. Les étudiants étaient appelés à contribuer financièrement à la création de ce laboratoire, ils ont (à juste titre) refusé. J'ignore l'issue de la dispute qui date de l'octobre dernier. Malgré des structures démocratiques c'est l'actuel recteur, fondateur de l'université, qui décide de tout. Les Facultés n'ont aucune autonomie financière. Un doyen peut bien me promettre de me payer le billet d'avion (je ne demande aucun salaire ni remboursement de frais) - en définitive, c'est le recteur qui décide (en ma défaveur). Il est soutenu par un collège qui lui est fidèle. Des professeurs critiques sont éliminés.

Le français est la première langue étrangère souvent mal enseignée. J'ai essayé d'échanger quelques mots avec des élèves qui avaient subi quatre à cinq ans de français, peine perdue. En ce qui concerne l'allemand qui est »ma« branche, les étudiants sont confrontés au problème suivant: certains ont été à l'étranger et parlent assez bien; d'autres auraient besoin d'un cours d'introduction qui n'existe pas. Les écoles n'enseignent que rarement l'allemand. Ma première demande a donc été qu'on donne un cours d'introduction intensif d'allemand. Mais le recteur m'a dit qu'il y avait des examens - donc pas besoin. Or, ces examens d'entrée sont une fiction: on accepte tout le monde. Cela fait augmenter le nombre d'étudiants et, en conséquence, cela est nécessaire pour obtenir la reconnaissance par l'Etat. On y est en pleine négociation.

Les conditions matérielles ne correspondent guère à ce que nous attendons d'une université. Enfin des toilettes à l'européenne (quand il y a de l'eau). Les salles de classe sont chaulées avec une ampoule nue au plafond. En hiver, il n`y a pas de chauffage central, seulement un radiateur. On hurle pendant que le ventilateur tourne. On reparle normalement pendant que l'engin est arrêté et on remet le chauffage quand la température a trop baissé. Le tableau noir sur lequel on écrit avec des craies qui grincent est le seul support matériel - Ils manquent des rétroprojecteurs etc. C'est charmant, quand il n'y a pas d'eau, quand on ne sait même pas comment effacer le tableau. La photocopieuse, destinée à la faculté des lettres (payante, bien sûr) , a fini par être déplacée au rectorat, car la leur ne marchait plus. On va donc en ville pour des photocopies. Pas de téléphone non plus, on ne peut m'eme pas avertir quand on a un empêchement.

Un accueil merveilleux - une organisation lamentable. J'ai affiché mes heures de cours. C'était improvisé, écrit à la main, car avant mon arrivée il n'y avait pas moyen d'obtenir un horaire. Le concierge a enlevé mes annonces. Cela ne faisait pas assez bien, cela devait être retapé à la machine, ce qui n'a jamais été fait. Recherche d'une salle libre dans des maisons sans rampe d'escaliers. On m'a envoyée au deuxième étage - hélas, un étage trop haut: pour un albanais le rez-de-chaussée est le premier étage, et les étudiants m'ont traduit littéralement ce qu'on leur avait dit. Une très bonne leçon pour comprendre les pièges d'une telle traduction.

Les enseignants recrutés viennent essentiellement de l'enseignement secondaire, ils n'ont pratiquement pas eu la chance d'aller à l'étranger. Il y en a qui ne prennent pas toujours leur travail au sérieux - ils ne sont pas toujours là quand ils sont attendus. Ou alors ils s'absentent pendant des semaines pour effectuer un travail plus lucratif ailleurs. La littérature allemande est actuellement enseignée par un albanologue qui ne connaît pas un mot d'allemand. Les protestations des étudiants n'ont pas été entendues. Le contact avec la langue vivante d'aujourd'hui manque totalement. Les étudiants le savent. Ils ont protesté et la responsable de l'allemand, tout en sachant que les étudiants avaient raison a défendu son collègue. L'autorité doit être maintenue, coûte que coûte, aucune discussion n'est possible. Il semble que j'ai vraiment fait une gaffe en disant à la responsable de l'enseignement en allemand que je n'étais pas prête à venir pendant la première semaine du nouveau semestre, que c'était trop chaotique; j'ai eu le malheur de le dire en présence de quelques étudiants qui m'ont donné raison. Mais cela ne se dit pas, surtout pas devant les étudiants.

Les étudiants en langues ne sont pas formés pour être des linguistes accomplis, ils devraient plus tard enseigner la langue de leur choix aux élèves. Et c'est là que le bât blesse. Un professeur albanophone comprend parfaitement des images traduite directement de l'albanais mais qui ne veulent rien dire en allemand. J'ai eu l'occasion de corriger des travaux considérés par les professeurs là-bas comme bien ou mieux - incompréhensibles pour moi. Que faire par exemple d'une traduction où l'on vous dit que le soleil a des dents. Littéralement, c'est correct. Cela veut dire que le soleil brille mais qu'il y a un froid mordant.

J'enseigne par principe en allemand, ce qui est assez difficile pour des néophytes. Bien sûr, des traductions orales circulent parmi les étudiants. Quand personne ne comprend le mot-clé je les encourage à me donner leur traduction sachant assez d'albanais pour pouvoir éliminer les fausses pistes sans être capable de trouver moi-m'eme le mot juste. Je sors très souvent des mots »internationaux«, de racine latine, grecque ou anglaise qu'eux n'identifient pas comme tels. Pour eux, ils sont albanais. Et, curieusement, le français m'aide beaucoup. La traduction littérale de certains mots français comme »foyer« ou »chercher« couvre pratiquement les même significations qu'en français tandis qu'en allemand on emploie des mots entièrement différents.

La différenciation entre »tu« et »vous« trouve sa correspondance en albanais, tandis que l'allemand a un système plus complexe. Les professeurs albanophones tutoient leurs étudiants qui leur disent vous en albanais. Quand ils se parlent en allemand, c'est »tu« pour les deux, c'est plus simple pour tout le monde. . Je vouvoie mes étudiants pour qu'ils apprennent la différence - ceux qui ont été à l'étranger ne connaissent que le »tu«. Et les professeurs d'allemand, en discutant avec moi, changent allègrement entre le »tu« et le »vous«. Pour moi, cela n'a aucune importance - mais on rend mal service aux jeunes qui choqueraient certains en Allemagne ou en Suisse s'ils les abordaient par un »tu« trop familier.

D'avoir créé l'université de Tetovo dans les circonstances politiques de l'époque était une gageure. Selon ses statuts, elle est ouverte à tout le monde. Il faut d'abord qu'elle soit reconnue pour ne plus seulement vivre des dons des particuliers, car cela a des désavantages certains. La plus grande salle de cours de la faculté des lettres a été transformée en cafétéria par un cousin du propriétaire qui avait besoin d'un emploi. C'est humain, c'est compréhensible - mais cela rend peu service aux étudiants.

Ma conclusion: les étudiants qui ont vraiment envie d'étudier l'allemand sont actuellement assez mal servis. Il y a un manque évident de matériel d'enseignement (dans la petite bibliothèque on trouve essentiellement des Konsalik, des polars traduits de l'américain quelque chose comme des »Guy des gares«. Les étudiants mériteraient mieux. Car ceux qui sont vraiment intéressés n'ont aucune autre issue. La Suisse ne reconnaît pas le baccalauréat macédonien. Il faut donc passer l'examen fédéral de maturité. Mais aucun des étudiants n'en a les moyens financiers. En ont-ils les moyens intellectuels? Probablement pour certains, mais on ne peut pas les activer quand il faut se battre pour survivre.

Il est difficile d'enseigner dans ces conditions-là: il faut être très flexible et apte à se conformer à des changements continuels. Et pourtant, l'engagement en vaut la peine, à cause des quelques jeunes sérieux qui ont vraiment envie de continuer.

Renate Guillelmon


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